Un peu bourrin, pas très subtil et clairement pour le coup d’un soir -certes électoral- le politique est le roi de la drague lourde. Ainsi, à un mois des élections municipales et a priori en mal d’amour , il multiplie les petits gestes tendres, les allusions graveleuses et les belles promesses à toutes ces franges de la population qu’il n’est pas encore sûr d’avoir totalement charmé.
Pour quelles conquêtes ?
Le grand soir approche et les partis politiques, PS et UMP en tête, dévoilent leur stratégie de conquête des villes n’ayant pas encore trouvé majorité pour leur hôtel de ville.
A gauche l’objectif est de limiter la casse et de ne pas revivre l’échec de 1983. A l’époque, François Mitterrand est président depuis deux ans et la gauche perd une trentaine de villes lors des municipales. Mais avec un Président au plus bas dans les sondages – 20% selon le dernier baromètre IFOP/JDD – la plus grande crainte du PS reste le vote sanction qui va de paire avec toutes les élections intermédiaires.
A droite, l’objectif a été revu à la baisse. Copé qui espérait « une vague bleue » se contentera finalement d’une « opération reconquête » des villes moyennes. Le rêve de reprendre certaines grandes villes, Paris en tête, semble s’éloigner chaque jour un peu plus.
Pour le Front National, ces municipales sont l’occasion de confirmer leur influence en gagnant quelques villes mais surtout de passer au second tour mettant à mal les forces traditionnelles, à commencer par l’UMP première victime des triangulaires.
Avec 130 villes en moyenne susceptibles de basculer à chaque élection municipale, les ténors des partis comme leurs représentants locaux usent de tous leurs charmes.
La palme de la drague revenant d’office à l’UMP et sa lourdeur à séduire les électeurs du Front National, nous passerons sur ce cas d’école trop souvent étudié et nous évoquerons ici les dernières tendances en termes de drague politique.
Tendance n°1: L’exagération
Exagérer l’enjeu des élections municipales est l’une des stratégies déployées par l’UMP et le Front National pour gagner du terrain sur le Parti Socialiste.
Un sondage BVA pour Itélé-LeParisien révèle que 25% de Français prévoient de voter sur enjeux nationaux. La quasi totalité se prononcerait contre François Hollande, seuls 3% le soutiendraient.
Le mal d’amour du Président actuel a ainsi donné des idées au camp adverse. Jean François Copé résume les municipales à « l’occasion de dire stop à Hollande ». Et même Nathalie Kosciusko Morizet surfe sur cette tendance et annonce que « Voter Hidalgo, c’est voter Hollande ».
Nationaliser le scrutin des municipales leur permettrait donc de tirer profit de cette cote de popularité en berne.
Tendance n°2: Le mensonge
Cette technique va de paire avec la précédente et repousse les hommes et femmes politiques aux limites de leur éthique. Prêts à tout pour gagner quelques voix, ils n‘hésitent plus à se servir des craintes et inquiétudes des citoyens français. Après le mariage pour tous et ses multiples débats, la théorie du genre n’a fait que cristalliser les crispations des français sur les questions sociétales.
Bien conscient de cet avantage concédé par la gauche, Jean François Copé a décidé de jouer le tout pour le tout, quitte à pointer du doigt le livre pour enfants « Tous à poils » paru il y a 3 ans, plusieurs fois primé et qui, contrairement à ses accusations, n’a jamais été officiellement recommandé par l’éducation nationale. Le temps médiatique est court, la vérité importe peu, les images restent et la machine à séduire est lancée.
Tendance n°4: La mémoire sélective…
… des événements
Comme tout grand séducteur le politique semble être atteint de pertes de mémoire chroniques. Malheureusement, les images restent, la vérité ressurgit et la machine à remonter le temps se nomme Internet. Il est donc fort simple de retrouver une proposition visant à «Introduire, dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect » , datant de 2011 et rédigée dans le cadre des états généraux de l’UMP dirigés par Jean François Copé en personne.
… des personnes
Oublier la Saint Valentin est acceptable, oublier le Valentin beaucoup moins.
Ainsi la mémoire sélective des événements est encore pardonnable, elle relève juste d’un manque d’honnêteté intellectuelle. Mais la mémoire sélective appliquée aux personnes reste plus blessante pour les populations dont on ne se soucie qu’à l’approche des élections.
François Hollande tente d’ailleurs de réaliser le coup de force de rassurer en deux jours deux électorats totalement délaissés depuis le début de son quinquennat.
Il commence son opération de charme Lundi en lançant le « conseil stratégique de l’attractivité » destiné à relancer les investissements étrangers en léger fléchissement ces dernières années. Il poursuit ainsi sa stratégie de conquête de l’entrepreunariat français amorcé avec l’annonce du pacte de responsabilité. Cet électorat composé de commerçant, de chefs d’entreprises et d’artisans vote traditionnellement à Droite. Ils ont voté à 50% pour Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle de 2012 et étaient seulement 16% en faveur de François Hollande. De quoi laisser au Président actuel une bonne marge de progression.
Son marathon de la drague se poursuit Mardi lorsqu’il se rend à la Grande Mosquée de Paris pour inaugurer le « Mémorial du soldat musulman » honorant les musulmans morts pour la France lors des deux Guerres Mondiales.

François Hollande (C) en visite pour la première fois depuis son élection à la grande mosquée de Paris. (Photo Ian Langsdon. AFP)
L’électorat musulman semble tellement acquis à la Gauche qu’en dehors du temps électoral elle ne s’adresse jamais à lui. Cependant, et même si 86% des électeurs musulmans ont voté pour François Hollande en 2012, les musulmans se sont rapprochés d’un certain électorat de droite farouchement opposé à la politique familiale du gouvernement et les familles musulmanes sont nombreuses à avoir répondu à l’appel de la journée de retrait de l’enseignement à l’initiative de Farida Belghoul en protestation à l’enseignement de la théorie du genre à l’école.
L’UMP aussi semble se rappeler que 5% de la population votante est musulmane et un an après le dérapage de Jean François Copé sur le pain chocolat, celui-ci veut « renouer avec l’électorat musulman ».
Malheureusement pour eux les élections municipales se jouent pour 75% des Français au niveau local. Les dragueurs nationaux doivent donc rivaliser avec des dragueurs locaux jouant la carte de la proximité.
Tendances n° 5: Se rendre indispensable
Attaquer l’ex
L’élection municipale a la particularité de ne pas limiter le nombre de mandat possible du maire. Le Maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin brigue ainsi son quatrième mandat et a déjà passé dix huit ans à la tête de la municipalité. Proner le renouvellement semble être alors la stratégie la plus sensée. Dans la même lignée, certains maires déjà en place trainent quelque casseroles. On peut citer en mauvais exemple, Calais et sa maire sortante Nathalie Bouchart ayant incitée ses administrés à dénoncer par mail des squats de migrants. Toute la difficulté du maire sortant est de se faire élire sur un bilan et non sur un programme.
Occuper la place laissée
Parfois, l’ex facilite la démarche d’occupation du terrain affectif et décide de quitter seul le navire. A Nancy, le centriste André Rossinot décide de ne pas se représenter, le cœur de la ville est à prendre et les dernières élections présidentielles et législatives l’ont vu pencher à Gauche. Dans ce cas de figure, il n’y a plus qu’à faire campagne et convaincre.
Une étude du monde datant du 7 Février 2014 et prenant en compte les résultats des élections municipales de 2008, des présidentielles et législatives de 2012 ainsi que les forces en présences estiment à 85 le nombre de villes pouvant basculer à Droite dont Strasbourg, Reims ou encore Saint Etienne. La Gauche peut, elle, espérer gagner 45 villes dont LeHavre, Mulhouse et Marseille.
L’abstention, première cause d’abstinence
Face à la drague lourde un seul remède, l’ignorance. Les français l’ont bien compris et sont malheureusement toujours plus nombreux à délaisser les urnes. La Gauche aussi l’a bien compris, celle dont l’électorat est le plus prédisposé à ne pas se déplacer les 23 et 30 Mars, a vu les choses en grand et s’est lancé dans une campagne contre l’abstentionnisme. Au niveau national cela se traduit par le lancement de la campagne OuiJeVote avec son site dédié, des vidéos et des incitations à relayer l’information sur les réseaux sociaux. Cette campagne cible en priorité les moins de 35 ans qui sont les plus enclins à ne pas voter et préfèrent « kiffer la life » . Le dispositif est soutenu par une identification des bureaux de vote au plus fort risque d’abstentionnisme et la mise en place de porte à porte dans ces secteurs pour inciter au vote et présenter le programme.
Le Parti Socialiste semble se rappeler qu’une élection se gagne d’abord en interne et que l’amour est affaire de fidélité.