Anaphore : n.f. « reprise du même mot au début de phrases successives »
La conférence de presse du Président François Hollande, organisée le 14 janvier, fut commenter par les journalistes politiques comme l’événement « tournant » et « révolutionnaire » dans la communication du chef de l’Etat. Cependant tous on reconnut une éternelle constance de ces interventions, les figures de style.
Tous cela avait bien entendu, tout le monde s’en souvient, durant le débat du second tour avec Nicolas Sarkozy, plus récemment, France Info reprenait le discours des vœux du 31 décembre en y retrouvant cette prépondérance stylistique.
Durant la conférence de presse du mardi 14 janvier, François Hollande a usé une nouvelle fois de ce jeu de rhétorique qu’est la répétition. Que ce soit pour la France, la finance ou la jeunesse, le Président s’en est donné à cœur joie : « c’est pour la jeunesse », « la France ». Constamment utilisée par notre Président, l’anaphore fait partie intégrante des discours politiques, mais que révèle l’usage de l’anaphore pour le Président de la République ?
« La jeunesse », « La France », des anaphores à répétition
Avec l’utilisation de « la jeunesse » ou encore de « la France » presque comme une ritournelle, François Hollande ne donne ni nom, ni désignation spécifique. Il crée ainsi une sorte de « censure de l’identité », ne permettant aucune confrontation avec un acteur de l’opposition ou du social. L’anaphore et la répétition, dont François Hollande n’a pas le monopole dans les discours politique, permet à la fois l’insistance et réduit de ce fait les propositions, puisque si l’on répète quelque chose, on ne dit rien d’autre. Cette figure rhétorique a occupé le temps durant la conférence de presse du 14/01, en substituant le temps des réelles propositions. Cela apparaît encore plus clairement avec le « pacte de responsabilité », ce terme est matraqué dans le débat public actuellement, mais en y regardant de plus près, que savons nous réellement de ce qu’il y a derrière ? Quel contenu, quelles procédures, quelles négociations, quelles implications ?
Un substitut aux propositions
L’utilisation de l’anaphore n’est pas une spécificité du langage de François Hollande. De tout temps elle est apparue propre aux discours en politique. Lorsque la presse n’existait pas, le discours oral était la seule façon de communiquer des hommes politiques; la répétition était donc nécessaire pour faire passer les idées à toute la population. François Hollande, à force d’en abuser, a énervé la communauté des réseaux sociaux. Cela finit par lasser les journalistes qui estiment être trompés par l’utilisation d’anaphore à la place de véritables projets et donc de discours concrets. La répétition apparaît pour le Président comme un pansement cachant un vide, ce qui pourrait encore creuser le déficit de popularité du chef de l’Etat.
« Moi président je … » , début d’un style rhétorique ?
Même si nous pouvons reconnaître la maîtrise de la matérialité de François Hollande durant la conférence de presse, nous attendons de notre chef de l’Etat qu’il annonce des propositions ainsi qu’une ligne directrice plutôt qu’une mise en scène. Nous nous souvenons tous de cette fameuse première anaphore du Président – nous aurions dû nous douter de cette façon d’ancrer le discours politique autour de belles phrases, plutôt qu’autour de projets politiques » Moi président je … « , illustration même de la fabrication de son image présidentielle, qui était utilisée cette fois-ci à bon escient. Cette figure rhétorique annonçait un projet et ancrait François Hollande en tant que Président. Il n’y a ni verbe, ni temps, et il donne ainsi une dimension immédiate à son discours.
Mais il est temps de revenir à des discours constructifs et d’arrêter les effets d’annonce. La fin des anaphores pour enfin de véritables actions, à quand cela sera-t-il possible ?
Retour sur les anaphores de François Hollande durant la conférence de presse du 14 janvier, avec en appui le discours:
« C’est pour la jeunesse »
« C’est pour la jeunesse que nous avons créé 100 000 emplois d’avenir en 2013 et nous en ajouterons 50 000 en 2014. C’est pour la jeunesse que nous avons introduit le contrat de génération, qui va rapidement monter en puissance. C’est pour la jeunesse que nous augmenterons le nombre de jeunes accueillis dans le service civique »
« Ce que je veux qu’elle soit »
« Ce que je veux qu’elle soit : forte dans son économie, sinon il n’y a pas de diplomatie possible, pas d’influence internationale (…). Ce que je veux qu’elle soit : exigeante dans l’affirmation de son destin républicain parce que nous devons vivre ensemble. Ce que je veux qu’elle soit : pleine de vitalité sur le plan démographique, (…) avec une jeunesse qui ait toute sa place. Ce que je veux que soit la France, c’est un pays toujours attaché aux libertés (…). »
« Quand on a 25 ans » (On pourrait qualifier cette anaphore de variable à la première.)
« Quand on a 25 ans, on veut réussir sa vie. Quand on a 25 ans, on veut être capable de s’installer, de travailler, et de pouvoir vivre son bonheur. Quand on a 25 ans, c’est insupportable d’attendre encore un emploi durable. Quand on a 25 ans, qu’on a toujours pas un contrat à durée indéterminée, c’est insupportable. »
« Plus fort »
« Je considère que ce que je dois faire c’est permettre à mon pays d’être plus fort à la fin de mon mandat qu’il n’était lorsque je suis arrivé. (…) Plus fort sur le plan industriel et économique. Plus fort sur le plan de la cohésion républicaine. Plus fort pour exprimer une politique internationale et une politique européenne. Plus fort dans son système éducatif. Plus fort dans ses mécanismes de solidarité. Et bien sûr qu’il soit plus fort pour créer de l’emploi. »
« C’est bien pour l’économie »
« Si on peut empêcher des augmentations d’impôt, c’est bien pour l’économie. Si on peut permettre qu’il y ait une baisse des charges pour créer de l’emploi, c’est bien pour l’économie. Si on peut faire qu’il y ait moins de dépenses de fonctionnement et plus de dépenses d’investissement, c’est bien pour l’économie. »
« La France »
« Partout où je me déplace (…) dans les pays les plus développés comme les plus émergents, ils me disent : “La France, vous avez une recherche d’excellence. La France, mais vous avez une technologie formidable. La France, mais vous avez des industries qui sont des avant-gardes. La France, mais vous avez des créateurs, des femmes et des hommes de culture exceptionnels. »
« La finance »
« La finance, en quoi sera-t-elle de quelque manière avantagée par le pacte de responsabilité ? En aucune façon. La finance, mais c’est la France qui a permis qu’il y ait cette union bancaire qui va contraindre les banques à payer pour les errements des banques. La finance, c’est nous qui avons fait une loi bancaire, qu’on peut trouver insuffisante, mais qui a permis d’avoir de meilleurs contrôles sur les établissements financiers. La finance, est-ce que je dois rappeler »
« Qu’est-ce que c’est qu’une politique progressiste ? »
« C’est quoi une politique progressiste ? C’est de faire le choix de décider de 34 plans industriels, d’augmenter encore le crédit d’impôt recherche innovation, de favoriser l’investissement le plus productif. Qu’est-ce que c’est qu’une politique progressiste ? C’est d’être capable de créer une Banque publique d’investissement pour pouvoir aider les entreprises à se développer et à améliorer leur compétitivité y compris à l’exportation et à embaucher. Qu’est-ce que c’est qu’une politique progressiste ? Ça consiste à mettre en place un fond de résistance, qui lorsque des entreprises sont en difficulté, ça nous permet d’aller vers ces entreprises-là »
Pour revoir la conférence du 14 janvier 2014
Je pense que tu soulèves un excellent problème : le vent et la prospective ça va 5minutes, il faut vraiment que Hollande passe aux actes. Et le fait d’appuyer ces idées avec l’anaphore n’arrange pas les choses car il les fait rentrer dans l’inconscient collectif sans que l’on en voit les résultats (pour rappel la baisse du taux de chômage, pour ne citer que cet exemple). Merci pour cet article ! Très intéressant
Sujet très intéressant. Comme tu le souligne, c’est un très vieux concept mais notre président l’utilise un peu trop souvent. Au lieu de vendre du rêve il devrait agir et vite….
Les figures de styles sont en effet très (trop) souvent utilisées par les politiques. La forme se substituant parfois au contenu… La est tout le problème ! Merci pour cet article : )
Je rejoins Benjamin sur la pertinence de ton article.
La répétition.. pourrions nous faire la parallèle avec notre beau théâtre en citant le « Comique de répétition »?
Car il est bien beau de rappeler les faits .. Mais qu’en est-il du reste ?!
« Moi lectrice de cet article je … » Non, tout simplement merci pour ton bon sens
Oui Amandine je te suis sur pas mal de points. La science du langage est maîtrisée par un grand nombre de nos chers politiques. Mélanchon, Sarkozy sont de parfaits adeptes des anaphores. De tout bord politique, on demande juste à ce que les décisions soient prises au niveau national comme local , place à l’action !
Encore des prolongations sur cet article, please Amandine, c’est une bonne mise en bouche
N’étant pas intéressé par la politique en temps normal, je trouve cependant ton article très attractif et enrichissant. Tes questions sont pertinentes et ton analyse fine. Merci pour ce petit moment « culture politique ».
Très bon article Amandine, qui illustre parfaitement ce que les politiques font de mieux actuellement: parler pour ne rien dire.
Merci et continue comme ça
Il est indéniable que l’usage d’anaphores et bien d’autres figures de styles est monnaie courante en politique. Et cette méthode fait preuve d’efficacité lorsqu’il s’agit de rallier des individus à une idée ou un projet, cela a d’ailleurs été un atout certain lors de la campagne de François Hollande en 2012.
Mais cela fera bientôt deux ans que ce dernier est au pouvoir, et l’heure n’est plus aux discours pleins de promesses mais aux actions, au progrès.
Parce qu’après une telle successions d’échecs et de revirements, le changement, c’est pour quand?
Les figures de style font la beauté du langage et si les anaphores sont puissantes, elles deviennent peut-etre un peu lassantes a la fin. A consommer avec moderation !
Cet article est constructif et montre à la France que François Hollande ne fait que des promesses et non de réels projets.
Bravo très entreprenant !