La condition des femmes dans nos sociétés se distingue d’un pays à l’autre, mais un point commun les unit, elles sont dans une situation inférieure à celle des hommes.
Petit voyage en Inde, un pays magnifique où la femme doit survivre. Aujourd’hui, les femmes occupent des postes importants dans ce pays, pour autant, la condition des femmes Indiennes reste profondément marquée par une discrimination de genre ancrée dans des traditions.
Selon une enquête de Thomson Reuters, l’Inde serait actuellement le « quatrième pays le plus dangereux » au monde pour les femmes.
La violence est chose commune, les plaintes ne sont pas souvent suivies d’effets et se noient dans une certaine corruption policière. Un fossé se creuse entre légalité et réalité en Inde.
24 000 viols enregistrés dans le pays en 2011, et combien de condamnation ? Un quart seulement a débouché sur des condamnations.
« Une femme est une propriété, comme un bout de terrain. Elle n’a aucun droit – ni sur son corps, ni sur son esprit, ni dans le choix d’un partenaire »
Aman Deol, secrétaire général d’un groupe de défense du Droit des femmes au Pendjab.
Une affaire qui a secoué l’Inde
En décembre 2012, à New Delhi, quatre hommes sont accusés du viol d’une étudiante (décédée à l’hôpital), un drame qui avait déclenché une vague de protestations massives en Inde. Les accusés ont été condamnés à la peine de mort le 13 septembre 2013 par un tribunal de la capitale. Une condamnation répondant aux attentes et aux protestations de la révolte populaire qui réclamait une peine à la hauteur des conditions particulièrement sauvages du viol. Cette affaire a eu une dimension symbolique en Inde, au-delà de ce procès, se jouait le procès du viol, en réaction aux accusations de « laxisme » et d’ « incompétences » des autorités en ce qui concerne la sécurité des femmes.
Une image de la femme diabolisée
À la lumière de cette affaire, plusieurs propos ont été recueillis, mettant en avant l’image de la femme dans la société. Les autorités politiques et religieuses ont exprimé comment une femme « devrait se comporter pour éviter un viol » :
Les propos d’un guru : « Cette tragédie ne se serait pas produite si elle (la victime) avait chanté le nom de Dieu en tombant aux pieds de ses assaillants. L’erreur n’a pas juste été commise par un camp » et « si elle avait appelé ses agresseurs des frères et s’était jetée à leurs pieds ».
Le président du parti Maharashtra Samajwadi : « Je suis pour que les violeurs de Delhi soient condamnés à mort, mais il faudrait aussi une loi pour empêcher les femmes de porter moins de vêtements et de sortir avec des garçons qui ne soient pas de leur parenté. Quel besoin ont-elles de se promener la nuit avec des hommes qui ne sont pas de leur famille ? Il faudrait y mettre un frein. »
Le parlementaire Rajpal Saini : « Pourquoi les femmes au foyer et les étudiantes ont-elles besoin de téléphones portables ? Ça les encourage à avoir des conversations futiles et à prendre contact avec des gens hors de leur foyer. »
Le chef de la police de New Delhi a l’audace d’affirmer que, dans sa juridiction, les hommes sont autant en danger que les femmes, vu qu’ils sont quotidiennement aux prises avec des pickpockets. La comparaison entre le délit de pickpocket et le crime de viol est tout de même incroyable.
Le fils du président Indien estime que les femmes provoquent la violence sexuelle par leurs tenues et leurs attitudes bien trop impertinentes!
Cet événement a ainsi fait ressortir les idées obscures d’une population qui pérennise des racines sociales et culturelles violentes envers les femmes.
Racines sociales et culturelles de ces violences
Le gouvernement avait demandé au juge Jagdish Sharan Verma de présider une commission d’experts chargée de réfléchir à des solutions juridiques et institutionnelles afin de mieux protéger les femmes contre les violences sexuelles. Cette commission avait mis en cause les racines de ces violences, pointant « les biais de genre » et « l’état d’esprit de la société ».
Dès décembre 2012, un « débat d’urgence » sur les mesures à prendre pour faire face au
« problème national » que constituent les violences sexuelles est demandé en Inde.
Les violences faites aux femmes ne pourront être enrayées sans une remise en cause du système social dans son ensemble. Le préjudice d’être une femme commence avant la naissance, en effet, de nombreux avortements illégaux sont pratiqués sur des fœtus féminins. Le garçon bénéficie d’une éducation où il lui est apprit qu’il est supérieur à la femme, n’étant là que pour le servir et le satisfaire.
Puis vient le moment du mariage, la fille doit apporter une dot, mobile de meurtre. Officiellement, 10 000 femmes sont tuées chaque année pour cette raison. Un phénomène accru avec l’émergence économique de l’Inde.
Enfin, une justice de proximité bien souvent illégale continue de sévir dans certains villages et se solde parfois par des agressions sexuelles envers les femmes. En janvier 2013, une jeune femme est condamnée à un viol collectif pour avoir eu une relation amoureuse. Ses parents ne pouvant pas payer l’amende fixée par le conseil de village, qui jouit d’une grande influence, leur fille a dû être violée par les habitants du village sur la place.
Violences sexuelles en hausse et « légitimes »
Un Indien sur quatre a déjà commis dans sa vie des violences sexuelles et un sur cinq a déjà forcé sa partenaire à avoir des relations sexuelles avec lui, ces chiffres sont issus d’une enquête de 2011 sur l’égalité sexuelle (International Centre for Research on Women). Ces proportions sont l’illustration de l’image de la femme dans les esprits des Indiens interrogés, en effet, pour plus de 65% d’entre eux, d’une façon ou d’une autre, les femmes méritent leur sort, être battues et tolérer cette condition pour « le bien de l’unité familiale ».
Une culture de l’impunité règne et « les coupables de viol s’en tirent toujours ».
La théorie du «viol légitime» est relayée et se laisse entendre dans les discours d’hommes politiques : il ne faudrait pas « faire tout un plat avec les viols, vu que 90% d’entre eux étaient consentis ».
Quelles solutions ?
Des homicides en constante hausse, des failles législatives, des délais importants dans la prise en charge des affaires, un taux de condamnations dérisoire.
Dans le débat public qui a suivi le viol de décembre, la nécessité pour les femmes d’être mieux « protégées », avait été une thèse défendue par des conservateurs, ce qui implique une limitation encore plus grande des libertés des femmes en Inde, une façon subtile de maintenir la condescendance patriarcale qui règne, et certainement pas un moyen de faire évoluer les esprits.
D’une autre manière, un conseil communal d’anciens avait demandé de baisser l’âge légal du mariage pour les femmes de 18 à 15 ou 16 ans, dans le but de diminuer les viols. Dans un pays où le mariage de femmes mineures atteint des sommets, proposer de marier des femmes plus jeunes n’est pas une solution pour faire régresser les violences sexuelles.
Heureusement, dans ce climat, il est à noter la vive mobilisation des femmes contre de tels appels régressifs, ce qui témoigne d’un changement de comportement de la part des femmes Indiennes.
« Le gouvernement ne va pas faire grand chose pour nous, si ce n’est une ligne d’écoute téléphonique, témoigne une Indienne qui prend des cours de self-defense.
Alors il faut que j’apprenne à me défendre moi-même ».
Un tournant radical est attendu au sein de la police et de la justice, car alourdir les peines est une menace qui reste sans effet quand celles-ci ne sont pas appliquées ou de manière sélective.
Une police et une justice non corrompues et formées, sensibilisées à ces affaires sont les conditions de la crédibilité et de l’efficacité.
Pendant plus de 15 ans, l’Inde a été gouvernée par Indira Gandhi, mais cela ne saurait faire oublier le sort réservé aux millions de femmes Indiennes.
Une telle condition des femmes ne devrait pas être banalisée, quand le viol devient une arme de guerre, de soumission, ou de sanction, c’est l’humanité qui se perd.
Je vous invite à lire l’article Silence, on viole de Tara Mukeku-Cilolo, qui expose la condition des femmes en RDC, ainsi que Tu n’es qu’une femme, un article qui fait le tour des droits des femmes en France en 2013.
À voir : Matrubhoomi un monde sans femme, un film indien qui relate la difficulté d’être une femme en Inde.
Il est à noter également, la prise de parole des femmes lors des législatives d’avril 2014, elles ont soumis aux partis leurs revendications dans un manifeste féministe « Womanifesto », afin que des engagements soient pris.
Ca fait froid dans le dos de voir à qu’elle point leurs mentalités sont archaïques! On serait loin d’imaginer que de telles pratiques persistent en 2014!
Très bel article qui permet de nous ouvrir les yeux à tous!
Très belle article
Cela ouvrira peut être certaine paupière sur ces pratiques qui persistent sans qu’on s’en rende compte !
Très belle écrit !
Je rejoins Juliette et Anne-Sophie, c’est impressionnant de voir comment le droit des femmes dans certains pays est loin d’être ce que l’on pourrait imaginer. Il reste beaucoup de chemin à parcourir avant que la femme ne soit l’égale de l’homme en France et dans le reste du monde. Quoi qu’il en soit un très bel article qui provoque et incite à la réflexion.