
Dany le Rouge en Mai 1968 pendant les révoltes étudiantes (à gauche) et en Dany le Bleu en Avril 2014 (à droite) lors de sa dernière allocution à la tribune du Parlement européen. Des années plus tard, on retrouve en lui la même tendance à l’emportement et le même air révolté qui l’ont fait connaître.
Le contraste est frappant entre le notable strasbourgeois tout à fait dans le ton européen que l’on voit aujourd’hui arpenter les couloirs du Parlement européen ou fréquenter les plateaux de télévision politiques et Dany le Rouge, anarcho-mao-agitateur, figure symbolique de Mai 68. Et pourtant, dans le discours de ce dernier prononcé le 16 avril à l’occasion de sa dernière intervention au Parlement européen, nous retrouvons un mélange des multiples facettes de ce personnage clé au travers d’une tendance à l’emportement, d’une spontanéité et d’une liberté de ton qui lui sont propres.
« Pour toute une génération, vous avez été une idole, et votre travail ici a enrichi ce Parlement, à tous les niveaux ». C’est par cet hommage, prononcé par Martin Shulz, président social-démocrate du Parlement européen, que s’est terminé le 16 avril dernier le mandat de député européen de Daniel Cohn-Bendit après vingt ans passés sur les bancs de l’institution européenne.
De quoi Dany le Rouge nous a-t-il parlé pour sa dernière allocution devant cette assemblée qui a été la sienne pendant vingt ans ?
Comme un dernier « coup de gueule », Daniel Cohn-Bendit profite de sa dernière intervention au Parlement, portant sur les commémorations de la première guerre mondiale, pour faire un véritable plaidoyer sur l’Europe comme il l’aime, l’Europe en laquelle il croit : une Europe fédérale. « Le fédéralisme est l’avenir de la modernité ». Il crie ici son amour pour l’Europe et son admiration pour ceux qui l’ont construite : « Nous avons réussi l’invraisemblable ». C’est d’ailleurs non sans émotion qu’il appelle, la voix tremblante, ses collègues du Parlement à « ne pas avoir peur d’affronter les bêtises des extrêmes de droite comme de gauche », à dépasser les « idéologies des eurosceptiques » pour diriger l’Europe vers une Europe unie, une Europe qui se bat pour un « intérêt européen commun » et non pour une multitude d’intérêts nationaux. Suite à la fin de son mandat, comme en écho à ce dernier discours, Dany se confie dans une interview pour le journal Le Parisien et témoigne du souvenir le plus émouvant de sa carrière politique : « J’ai été fasciné par l’un des derniers discours de François Mitterrand en tant que président de la République. Il était très malade, obligé de se tenir au pupitre. Il a eu cette phrase extraordinaire : “N’oubliez jamais : le nationalisme, c’est la guerre !’’ J’étais très ému. »

Adepte des éclats médiatiques, Daniel Cohn-Bendit interpelle le président français lors de son intervention devant les eurodéputés en 2013 en le tutoyant d’un : « François, je t’ai compris, le changement c’est maintenant, alors allons y tout droit, chiche, banco ».
Pourquoi Dany le Bleu est-il si attaché à l’Europe ?
Dans une interview donnée au journal Le Parisien, Dany se confie : « Je ne suis ni français, ni allemand, ni les deux. Je me sens européen. » Né en 1945 de parents allemands ayant fui leur pays pour la France en 1933, ayant grandi entre les deux pays pour finalement se faire expulser du territoire français pour son rôle de perturbateur dans le mouvement étudiant en mai 1968, Dany affirme ne se sentir appartenir à aucune nation des deux qui l’ont vu grandir. Il le prouve d’ailleurs en confiant au journal Le Parisien : « Jusqu’à 14 ans, j’étais apatride. J’ai pris la nationalité allemande par hasard, parce qu’elle me permettait de ne pas faire mon service militaire. » Provocateur, il dit de la langue allemande : «J’ai gardé dans mon cerveau une ou deux erreurs pour montrer aux Allemands que je ne suis pas tout à fait comme eux.». Son parcours atypique partagé entre plusieurs territoires explique certainement son attachement à l’Europe plutôt qu’à un Etat Nation en particulier.
Député européen depuis 1994, alternant entre les partis Verts français et allemand pour finir par un mandat depuis 2009 au sein d’Europe-Ecologie, Daniel Cohn-Bendit est favorable à la mise en place d’une Europe fédérale. Il a d’ailleurs cofondé en 2010 le groupe Spinelli, initiative visant à renforcer la tendance fédéraliste au Parlement européen. Si Dany est souvent critiqué, notamment par la droite, pour ses prises de positions parfois jugées trop libérales et ses propos souvent controversés et virulents, le parlementaire européen reste une personnalité politique chevronnée, respectée et incontestablement attachée à l’Europe.

Daniel Cohn-Bendit, gagné par l’émotion, remercie ses collègues eurodéputés suite à sa dernière prise de parole à la tribune du Parlement européen
Après Dany le Rouge et Dany le Bleu, quelle suite ? Lui reste-t-il encore des choses à dire et des combats à mener ?
« Voilà, c’est l’âge ! » Après 20 ans de mandat, cet amoureux de l’Europe, âgé aujourd’hui de 69 ans, ne se représente pas au scrutin européen du 25 mai. « Etre député européen, c’est épuisant. Or je ne suis pas au Parlement européen pour attendre que le temps passe (…). Après vingt années, j’ai envie de faire autre chose, écrire un livre sur l’identité juive, prendre du temps. ». Quelle suite envisage-t-il ? Pour le moment, notre figure européenne mythique compte se consacrer à sa deuxième passion après l’Europe : le football. « Mais le 31 mai, ciao ciao, je pars pour Rio, pour des reportages sur la coupe du monde de football ». Dany le Rouge partira donc en juin 2014 direction le Brésil pour jouer les reporter et tourner un documentaire sur la Coupe du Monde de Football, documentaire qui sera diffusé sur Arte.
Et la politique, pour Dany, c’est vraiment fini ? N’envisagerait-il pas un retour en politique pour se consacrer pour finir à une cause nationale ? N’envisagerait-il pas un dernier mandat politique chez les Verts allemands, plus pragmatiques et moins à gauche qu’en France ? Une fin de carrière politique en Allemagne pourrait être un beau symbole pour une personne qui a autant navigué entre Paris, Bruxelles et Francfort dont il a été adjoint au maire.
Très bon article!
« Dany le Rouge partira donc en juin 2014 direction le Brésil », il a bien raison ! Très bon article au passage.
Tres bonne analyse.
Cet article est très intéressant et très bien écrit .